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[Nomade] Les réfugiés en Turquie

En 4 ans, ce n'est pas la première fois que l'on croise la route de réfugiés, de migrants. L'exemple le plus flagrant avant d'arriver en Turquie, c'était en Malaisie. Et on avait pu constaté l'évolution sur les différentes années. Dans la rue, de nombreux birmans qui ont fuit la répression de leur pays et qui ont trouvé "refuge" dans un autre pays musulmans. En Malaisie, il y aussi de très nombreux travailleurs illégaux venant d'Indonésie ou du Bangladesh. Leur situation est encore différente... Le motif migratoire est différent. Et puis, on est arrivé en Turquie. Les migrants comme on les appelle en France sont à Istanbul aujourd'hui et certains d'entre eux arriveront dans le nord de la France, resteront bloqués plusieurs semaines voire plusieurs mois avant de risquer leur vie pour rallier l'Angleterre. Et comme la Turquie est une étape dans la route migratoire vers l'Europe puis le Royaume Uni, il fallait bien que je vous en touche un mot.

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©Tarik Uzmen

Je n'avais pas prévu de publier cet article rapidement et puis il y a eu le 23 novembre 2020 à Paris où les flics ont évacué violemment un camp symbolique. Une nouvelle fois la France a montré que sa seule réponse était la violence.

A propos de notre vie nomade

Depuis 2016, nous avons quitté la France pour partir en Asie. Nous avons voyagé et vécu en Inde, en Malaisie, en Thaïlande et au Laos. On a aussi voyagé à Sri Lanka, au Népal ou en Indonésie. Avec la situation sanitaire relative au Covid (ce que j'appelle au quotidien un sacré bordel) nous avons migré vers la Turquie. Ce n'était pas prévu mais en voyageant on a appris à s'adapter. La Turquie c'est un univers très différent de celui auquel on s'était habitué ces dernières années. On n'est pas très très fans pour le moment. On ne sait pas de quoi demain est fait et peut-être que notre avis changera avec le temps. La Turquie - du moins Istanbul - ressemble plus à l'Europe qu'à l'Asie. Dans un sens, les cours d'histoire géo qu'on a eu au collège et au lycée - notamment avec la chute de l'URSS - prennent une nouvelle dimension, même en 2020.

Pourquoi je te parle des réfugiés?

La question migratoire est dans le fil de mes pensées depuis plusieurs années. Je suis née et j'ai grandi à Calais. Les Kosovars, les premiers migrants à être arrivés, c'était quand j'étais au collège. Et depuis, la situation n'a pas vraiment évoluée. (Ca fait 25 ans ou presque!) Etudiante, j'ai quitté Calais pour Dunkerque. A la périphérie de la ville, il y a aussi des camps de fortune pour migrants. Celui qui a fait le plus parlé de lui, c'est probablement celui de Grande-Synthe. L'ancien maire de la ville (maintenant député européen) avait créé un camp selon les réglementations européennes. On n'était pas sur le standing de l'hôtel Ibis mais au moins, il ne vivaient plus dans la boue derrière Décathlon. A Calais, rien n'a été fait dans ce style. Il y a eu le camp de Sangatte de la Croix Rouge. Il a été fermé en 2002 par Sarkosy. Il y a eu des tentatives mais comme il y a un réel manque de motivation de la part de TOUTES les parties du gouvernement pour trouver une solution durable, rien ne se concrétise réellement. Mon frangin Antoine (le plus vieux des 2) a bossé un an avec les migrants de Calais et les demandeurs d'Asile. Mon frangin Alex a toujours connu les migrants dans Calais et alentours. Ces étrangers font partie de son quotidien. Ils "trainent" dans son quartier.

Petite note en passant: En France, on va facilement et très largement employer le nom "migrants" pour qualifier les gens. C'est un terme trèèèèès négatif dans son emploi. En anglais, on utilise le mot "refugees". "Réfugiés" ou même "exilés", c'est tout de même moins connoté négativement, cela rappelle qui sont venus chercher un refuge pour X ou Y raisons.

Istanbul, étape phare sur la route vers l'Angleterre

En arrivant à Istanbul, on savait que c'était une étape importante de la route migratoire. On avait lu à ce propos. Mais entre lire et voir de nos yeux, c'est différent.
Istanbul est en 2 parties. La ville est sur deux continents différents. Il y a Anatolia, la partie asiatique. Et il y a la partie européenne. Le tout est séparé par le Bosphore. Istanbul est la porte d'entrée sur le continent européen. Côté ouest de la Turquie, il y a une frontière terrestre avec la Bulgarie et la Grèce, deux pays de l'Union Européenne. Tous les réfugiés ne veulent pas forcément aller de l'autre côté de la Manche. Certains d'entre eux s'arrêtent en Turquie pour trouver du boulot. Tous les réfugiés ne passent pas nécessairement par Istanbul. La région d'Izmir par exemple est juste en face de la Grèce.

De l'autre côté, au nord est, il y a la Géorgie et l'Arménie. Ce dernier pays était en conflit avec l'Azerbaïdjan (depuis quelques semaines, un accord a été trouvé, reste à voir combien de temps ça durera!) En dessous, il y a des pays qu'on connait bien de nom: l'Iran, l'Irak et la Syrie. Juste après l'Iran, il y a les pays en -stan dont l'Afghanistan. Entre les guerres, Daesh ou encore le désir d'une vie meilleure, il peut y avoir un tas de raisons de partir de chez soi et se diriger vers l'Europe.

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Les différents profils de migrants que l'on a rencontrés

Les réfugiés on les voit dans la rue. Il y a des coins où il y en a plus que d'autres. Là où se trouvait l'hébergement de notre pote David, il y en a plein. Du côté de la ville où on se trouve, ça va encore (du moins c'est mon ressenti en plein jour). Généralement, la première barrière c'est celle de la langue. S'ils ne parlent pas anglais (et ils sont nombreux), on ne peut pas parler avec eux. Néanmoins, on a partagé notre quotidien avec différents types de migrants. Dans l'hostel où nous nous trouvons, je pense qu'il y a certaines nationalités de migrants que nous ne croiserons pas. Le manager est Kurde, il vient d'un village près de l'Irak et il n'est pas forcément hyper friendly avec ce type de voyageurs et de ce qu'on a pu voir c'est le cas pour une bonne partie des habitants de notre bout de rue...

Les 3 iraniens plein d'espoir

Eux, on les a vu arriver de loin. Ils sont arrivés à l'hôtel accompagnés d'une nana, vu son allure et sa manière de se tenir, c'était une éducatrice. Elle a négocié un bon deux heures pour qu'ils aient chacun un lit en dortoir. Elle leur a filé un peu de pognon et elle est partie. Ils sont resté 2 ou 3 nuits. Le premier soir, c'était appel à la famille. Une fois que c'était fait, ils se sont mis une cuite. On a parlé un peu avec l'un d'entre eux qui parlait anglais. Ils étaient assez jeunes. Et ils nous ont tout de suite demandé si on était français. Ils avaient reconnu notre langue lorsqu'on parlait à deux avec Flo. Ce genre de détail n'est pas anodin. En général, les stambouliotes s'en carrent de savoir quelle langue on parle. Bref, celui qui parlait anglais nous a expliqué que ses potes voulaient aller en Angleterre pour trouver du travail. Je lui ai demandé s'ils y allaient de manière régulière ou pas. Le signe du bras pour comme le serpent qui se faufile c'est un geste international, il a très bien compris ce que je voulais dire. Et même si c'était sûr qu'ils voulaient passer en Angleterre clandestinement, il me l'a confirmé. On a essayé de l'avertir que la route n'allait pas être simple du tout. On lui a dit qu'elles étaient les conditions de vie à Calais, que c'était dangereux de passer la Manche. Ils ont quitté leurs familles et leur pays, évidemment, ils n'allaient pas se décourager juste parce que 2 français leur dépeignent des situations abstraites. Avec eux, la co-habitation n'a pas été simple. Le savoir-vivre ensemble ce n'était pas dans leur esprit. On a mis ça sur le compte de la jeunesse...

L'iranien un peu roublard

J'ai discuté à plusieurs reprises avec un autre Iranien. Lui était tout seul et il pouvait se payer un lit en dortoir sans avoir besoin de passer par un organisme social. Il avait 28 ans. Il m'a expliqué qu'il avait essayé d'esquiver le service militaire obligatoire dans son pays en faisant des études. (Il est ingénieur...) Mais au bout d'un moment, il ne pouvait plus esquivé. Il est parti quelques mois à l'armée et s'est fait réformé pour raison médicale. Lui aussi a le projet d'aller en Europe. Mais pas de la manière classique. Son plan est foireux mais il a un plan. Il veut se marier avec une Allemande, sauf que cette Allemande en question est mariée. Il attend qu'elle divorce. Après, il veut se marier avec elle et au bout d'un moment, il aura certains avantages à être résident allemand. Il aimerait avoir un passeport allemand, bien plus fort évidemment que son passeport iranien!

La kurde qui veut un avenir meilleur

Un dimanche matin, j'ai eu une conversation super intéressante avec une Kurde. Elle est officiellement Turque mais elle refuse de se considérer comme telle. Elle est Kurde. Même si la Turquie a laissé des territoires aux Kurdes, même si elle a fait en sorte d'écraser la culture Kurde de bien des manières... Enfin bref! Elle est Kurde, elle est ingénieure et elle veut partir. D'ailleurs elle était à Istanbul pour préparer son départ. Elle veut aller travailler au Canada. Et elle a déjà un passeport puisqu'elle fait un stage en France par exemple. Elle, son exode, c'est un phénomène courant dans la région. C'est l'exode des cerveaux. Elle m'a expliqué qu'ici un ingénieur gagnait sensiblement moins qu'une caissière et qu'en plus, il n'y avait pas nécessairement de boulot pour les ingénieurs. Du coup, elle cherche s'expatrier dans un pays plus intéressant pour le boulot mais aussi où elle aurait moins à subir de répression.

Little Amal - une marionnette d'une réfugiée de 9 ans

Je remercie ma tante Marie-France qui a partagé une vidéo à ce propos sur Facebook. Little Amal est une marionnette qui ressemble beaucoup à celles du Royal Deluxe, troupe qui passe régulièrement sur Calais. Cette marionnette de 3,5m représente une petite fille Syrienne de 9 ans. Elle partira de la frontière Syrienne et elle va parcourir 8 000 km jusqu'à Manchester.
Little Amal avant d'être une marionnette, c'est le personnage d'une pièce de Théâtre The Jungle qui s'inspire des nombreux récits de réfugiés. Little Amal c'est une MIE, une mineure isolée étrangère. France Terre d'Asile estime qu'il y a 8000 MIE en France métropolitaine. Flo a bossé avec quelques MIE avant qu'on quitte la France.
Cette marionnette va traverser 8 pays, dont la France. Selon les conditions sanitaires, vous aurez peut-être la possibilité de la voir en juin 2021 à Paris. Si vous vivez en Belgique, il y a aussi des étapes par chez vous. (Emilie, regarde, je pense que ça passe près de chez toi!) Dans le Nord, la troupe passera à Herzeele puis dans le Pas-de-Calais à Calais. D'autres villes en France sont concernées, n'hésitez pas à consulter le site pour en savoir plus.

On est donc sur la route des migrants... Ce qui s'est produit à Paris hier soir (le 23/11/20) est inacceptable. C'est fréquent à Calais. Le recours à la violence ne mène à rien. Ca ne fera pas disparaitre les réfugiés. Ca ne résoudra pas les problèmes internationaux qui poussent ces hommes, ces femmes et ces enfants à quitter leur pays pour peut-être un avenir meilleur et surtout une route semée d'embuches et de violences. La France, ce pays des droits de l'Homme... (enfin pas quand t'es de couleur ou quand t'es pauvre!)


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